Quantification de la charge d’entraînement

Bien qu’il soit possible de simplement mesurer son volume d’entraînement en kilomètres, en dénivelé positif ou en heures, ses calculs ne prennent pas en compte l’intensité des séances. Quand l’intensité est aussi prise en compte, il est question de charge d’entraînement. Chez Quantum Endurance, nous utilisons la plateforme Intervals.icu pour nous aider à quantifier cette charge et observer son évolution dans le temps. Dans ce billet, je vous explique en détails comment cette charge est calculée et comment vous pouvez utiliser ces données pour optimiser votre progression.

Dans un premier temps, la charge de chaque séance est déterminée en tenant compte de la durée et de l’intensité de celle-ci. L’intensité est calculée en fonction du seuil fonctionnel de l’athlète. Même si je préfère utiliser l’allure ou la puissance au second seuil lactique comme référence, il est aussi possible de calculer son seuil fonctionnel à partir d’un effort maximal que ce soit à vélo ou en course-à-pied. Une séance d’une heure au seuil fonctionnel donnerait une charge de 100. Comme il est théoriquement impossible de maintenir la puissance ou l’allure correspondant à son seuil fonctionnel pendant plus d’une heure, il est impossible d’obtenir une charge supérieure à 100 pour une séance d’une heure ou moins. Ceci-dit, une séance plus longue peut mener à des valeurs nettement supérieures à 100, même pour une intensité relativement faible. Bref, la charge ou le score de stress d’entraînement est une mesure du stress physiologique d’un entraînement donné. Le calcul peut se faire selon le seuil d’allure ou de puissance (mesure de charge externe) ou le seuil de fréquence cardiaque (mesure de charge interne). Il est intéressant de suivre les deux indépendamment.

Chages d’entraînement externe et interne.

L’intérêt de quantifier la charge de chaque entraînement est d’ensuite pouvoir estimer et prédire le niveau de forme. Pour ce faire, la charge d’entraînement chronique (le fitness) est obtenue en considérant les charges d’entraînement quotidiennes des 42 derniers jours alors que la charge d’entraînement aiguë (la fatigue) celles des 7 derniers jours. Dans les deux cas, il s’agit d’une moyenne mobile exponentielle qui donne plus d’importance aux séances plus récentes et les valeurs obtenues correspondent à la charge par jour. Pour avoir une idée de grandeur, il est important de savoir que peu d’athlètes peuvent maintenir un fitness à plus de 150 à long terme. Certains cyclistes professionnels seraient autour de 150-160 durant la majeure partie de leur saison et atteindraient 170-180 à la fin d’un grand tour. Les valeurs précédentes sont tirées du livre Training and racing with a power meter, ce sont donc des références pour des cyclistes. Pour un coureur élite (Kevin Sullivan), spécialiste de 1500 m, une étude scientifique montre une charge d’entraînement chronique ne dépassant jamais les 70, donc pas besoin d’une énorme charge d’entraînement pour performer au plus haut niveau. Le calcul étant basé sur la capacité individuelle de chacun, il est tout à fait possible pour un athlète récréatif d’atteindre des valeurs élevées. En d’autres mots, un athlète ayant un fitness plus élevé qu’un autre s’entraîne plus, mais ça ne veut absolument pas dire qu’il est plus performant. Que ce soit pour un athlète amateur ou pour un professionnel, l’augmentation de la charge doit se faire progressivement et ceci est encore plus vrai pour un sport avec des impacts comme la course-à-pied.

C’est la relation entre la charge aiguë et chronique qui déterminerait l’état de forme (la balance de stress d’entraînement ou le form en anglais). Intervals permet de choisir de présenter cette différence en valeur absolue ou en pourcentage. Ayant longtemps utilisé TrainingPeaks, j’étais habitué à la valeur absolue, mais je préfère aujourd’hui utiliser la différence en pourcentage. Pour illustrer la distinction, un athlète avec une fitness de 80 et une fatigue de 95 est à une forme -15 ou -19%. La différence n’est pas très grande, mais elle le devient pour ceux qui s’éloignent plus d’un fitness de 100. Dans tous les cas, il est intéressant de constater qu’il n’existe pas, à ma connaissance, d’étude scientifique sur le sujet. Il existe tout de même des valeurs de référence. Intervals place la zone optimale pour l’entraînement entre et -10 et -30 et considère un athlète comme étant frais à partir de +5 et jusqu’à +20. Plus frais que ça, c’est la zone de transition. À noter que ces fourchettes sont les mêmes lorsqu’on utilise la différence en pourcentage. Comme mentionné précédemment, ça ne change rien pour un athlète qui a un fitness de 100. Les fourchettes optimales d’Intervals sont les même que celles recommandés par Training Peaks. À noter que Joe Friel considère que pour une performance optimale, il faudrait viser être entre +15 et +25 la veille d’une compétition. Ça ne veut pas dire qu’il faut être aussi frais pour toutes nos compétitions et surtout, ce ne sont pas tous les athlètes qui excellent avec le même niveau de forme.

Forme = (Fitness - Fatigue) / Fitness X 100

Même si ces valeurs ne sont pas directement supportées par la science, plusieurs études se sont intéressées au ratio entre la charge aiguë et chronique, souvent pour voir la relation avec les blessures. Un ratio supérieur à 1,5 est généralement associé à un risque plus grand de blessures ce qui équivaut à une forme de -50% alors que le ratio optimal pour prévenir les blessures serait entre 0,8 et 1,3. Il est intéressant de constater que cette fourchette correspondant à une forme de +20% à -30% et inclurait donc la zone de fraîcheur, la zone grise et la zone optimale d’Intervals. Il est important de préciser que les études s’intéressant aux blessures quantifient généralement la charge chronique avec un coefficient de 28 jours plutôt que 42. Aussi, la charge est souvent calculée en multipliant la durée d’une séance à l’effort perçu (sur 10). Une méthode qui peut sembler assez simple, mais qui est supportée par la littérature scientifique.

La charge basée sur la durée et la pereption de l’effort (S-RPE)

Les études s’intéressant à la phase d’affûtage quant à elles proposent des réductions de la charge qui nous amènent à des valeurs de forme nettement supérieures à +25. Les réductions considérées comme étant optimales sont d’ailleurs surprenamment importantes comme le montre la figure suivante. À noter que la recommandation de réduire la charge de façon exponentielle à décroissance rapide provient d’une étude unique mesurant la performance de triathlètes à l’aide d’un contre-la-montre de 5 km et de la puissance maximale atteinte lors d’un test incrémental à vélo, donc pour des efforts à haute intensité (nettement au-dessus du second seuil). Une méta-analyse regroupant les données de 14 études ayant mesurées la performance avec un contre-la-montre montre que des réductions de volume moindre (21-40% vs 41-60%) pourrait aussi être intéressante pour optimiser la performance. Bref, la littérature scientifique s’intéressant à la phase d’affûtage nous indique qu’une forme plus grande que +25 pourrait tout de même être intéressante.

Finalement, il est important de garder en tête que tout ceci est théorique et que les processus permettant de s’adapter à l’entraînement ne sont pas mathématiques, mais physiologiques. La méthode ne tient pas compte de la réponse réelle de l’organisme. Il est important de considérer les signaux de fatigue que notre corps nous envoie et d’ajuster l’entraînement en conséquence.

Bon entraînement!

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Mon expérience avec le déficit énergétique relatif dans le sport (RED-S)