Collant-pipette

Dans le merveilleux monde du ski de randonnée (aussi appelé ski alpinisme, skimo, ski de haute route ou randonnée alpine), le terme collant-pipette fait référence aux pratiquants du sport intéressés par la performance, surtout en montée. Plutôt péjoratif, le terme vient des combinaisons moulantes, le collant, et de la paille de la poche à eau, la pipette. Alors que la distinction entre la pratique du trail running et de la randonné pédestre est assez claire pour tout le monde, il n’y a pas de distinction aussi évidente entre les différentes manières de pratiquer le ski de rando. Plutôt que de tenter de diviser le sport en différentes catégories, il est plus simple de catégoriser ses pratiquants et c’est là que le terme collant-pipette prend tout son sens. N’étant moi-même pas un vrai skieur, mais un coureur qui s’est mis au ski sous l’influence de ces élites du trail qui pratiquent le ski alpinisme l’hiver, j’accepte sans gêne le qualificatif de collant-pipette. Je tenterai ici de vous convaincre de grossir les rangs de ma tribu. De vous convaincre qu’il n’y a rien de mieux, pour la forme et pour l’égo, que de dépasser tous ces randonneurs du dimanche comme s’ils étaient arrêtés. Le tout en portant fièrement son kit moulant et son équipement hyper léger, ne s’arrêtant que quelques secondes pour faire ses transitions et sans jamais vraiment s’arrêter pour manger. Bref, en faisant du trail sur des skis, pas de la rando sur des skis.

Collant-pipettes au Mont Orford. Photo Olivier Mura

Collant-pipettes au Mont Orford. Photo Olivier Mura

Quand on entre dans le merveilleux monde du ski alpinisme compétitif, on réalise assez vite la grande importance qu’on accorde au poids de l’équipement. Les skieurs alpinistes seraient encore plus obsédés par le poids de leur équipement que les cyclistes, ça vous donne une idée. Ils sont peut-être aussi obsédés par leur poids corporel, mais ça c’est pas drôle, donc j’évite le sujet pour ce billet. Comme en vélo, un poids minimal pour l’équipement est fixé par la fédération internationale. Soit 750 grammes par ski et 500 grammes par botte pour les hommes. Cinquante grammes de moins par item pour les femmes. Mes skis pèsent 748 grammes chacun et font ma fierté. Plusieurs skieurs me demandent si ça skie bien des skis aussi légers. N’étant pas un vrai skieur, je ne peux pas vraiment juger de la performance des planches de carbone que j’ai aux pieds. Ceci-dit, je peux comparer avec la course à pied. En montée, pour une allure de compétition qui implique un mouvement proche de la course à pied sur les pentes plus faibles, une règle simple est de considérer que 100 grammes supplémentaires par pied augmente votre dépense énergétique d’environ 1%. Ce chiffre vient d’études concernant la course à pied, mais ça donne une idée. En additionnant mes skis, mes chaussures et mes peaux, j’ai environ 1400 grammes dans chaque pied, soit 1200 grammes de plus qu’une chaussure de trail. On pourrait donc s’attendre à une différence d’environ 12% sur une montée (un gain de 12% d’économie de mouvement ne se traduirait pas nécessairement par un gain de 12% en vitesse, mais on est pas à une approximation près). Ma meilleure montée du Mont Orford par la 4 km en ski m’a pris exactement 25 minutes ce qui voudrait dire que pour un même effort, je monterais en 22 minutes à pied. Mon record à pied est plutôt de 21 minutes, mais j’étais certainement plus mince lors ma montée à pied ce qui pourrait expliquer cet écart dans l’estimation. C’est assez anecdotique, mais pour l’avoir utilisé pour d’autres calculs, la simple règle du 1% par 100 grammes par pied semble faire du sens. Bon à garder en tête quand vient le temps de passer à la caisse et dépenser des milliers de dollars pour des bottes en carbone aussi légères que le vent. Si vos priorités ne sont pas aussi à l’envers que les miennes, il existe plusieurs modèles pesant autour de 800-900 grammes à un prix environ 3 fois inférieurs à celui des merveilles full carbone. Pour ce qui est de la descente, transition comprise pour enlever les peaux au sommet, il me faut moins de 4 minutes pour dévaler le Mont-Tremblant à ski alors qu’en trail je mets une dizaine de minutes. En courant à cette allure, il faut quelques jours à mes cuisses pour s’en remettre, alors qu’en ski, ça descend tout seul sans forcer. Bref, sans surprise, ça avance plus vite en skis qu’à pied, mais pas tant que ça quand on tient compte du temps perdu en montée et en transition. En fait, ce ne serait pas nécessairement plus rapide avec un équipement de skis lourds… Qui veut dépenser des centaines, voire des milliers de dollars, pour avancer moins vite qu’avec une paire de godasses?

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Je vous rassure tout de suite, une paire de bottes de ski coûtant la peau des fesses est bien plus durable qu’une paire de chaussures de course. Les trucs qui s’usent et qu’il est donc raisonnable d’avoir en plusieurs exemplaires et pour toutes les conditions possibles sont les peaux. Personnellement, je préfère celles de la marque Suisse Pomoca. Même si la compagnie essaie de nous faire croire qu’elles sont faites de Mohair comme toutes les autres marques, la couleur ne ment pas, leurs peaux sont certainement faites avec des poils de licorne rose duveteuse. Au fait, même si on parle de peaux, ce sont les poils qui sont utilisés, donc même si les peaux ne sont pas véganes, elles sont tout de même « végétariennes ». Bref, les chèvres (ou les licornes) ne sont pas tuées pour satisfaire à notre besoin de glisser vite sur la neige. Aussi, le sport n’a aujourd’hui rien à voir avec les phoques. L’appellation « peaux de phoques » est maintenue pour mélanger les anglophones.

Une licorne rose duveteuse dansant sur un arc-en-ciel avant de se faire tondre pour faire des peaux.

J’imagine que c’est ici que je devrais vous conseiller de louer avant d’acheter, mais comme je ne suis pas contre l’idée qu’on se retrouve avec plein de kits presque neufs sur le marché de l’occasion, je ne vais pas insister. Je n’ai moi-même pas loué avant d’acheter et je n’avais fait du ski alpin qu’une fois dans ma vie. Mon seul regret est d’avoir d’abord fait un compromis en achetant de l’équipement léger, mais pas tant, qui me coûtait de précieuses secondes en montée. Mon égo surdimensionné ne supportant pas se faire battre par des moldus plus riches que moi, j’ai rapidement revendu mon premier kit pour acheter de quoi être compétitif. Finalement, si ça vous chante, j’ai créé un défi virtuel hivernal : Celui de monter 3 fois le Mont Tremblant par 3 versants. Ouvert à tous, que vous le fassiez le plus vite possible, pour le plaisir ou simplement pour vous donner une bonne raison de jouer dehors. Plus d’information ici.

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