Pas de pain, pas de gain.

Quand il est question d’entraînement sportif, on mentionne souvent l’importance de la récupération. L’industrie du sport essaie d’ailleurs de nous vendre plein de produits pour nous aider à récupérer ou pour mesurer celle-ci. Concrètement, la récupération c’est quoi? Peut-on et on doit-on vraiment tout faire pour l’accélérer ou l’améliorer? Peut-on vraiment la mesurer et, si c’est le cas, est-ce vraiment utile?



D’abord, il est important de comprendre qu’il y a une différence entre récupérer et s’adapter. La récupération est un terme générique qui englobe divers processus, physiologique et psychologique, menant au retour à un niveau d’équilibre permettant de performer. Ce retour à l’équilibre n’implique pas toujours un gain en performance. Pour progresser, il ne suffit pas de récupérer, il faut aussi s’adapter. Pour illustrer ceci, plusieurs études ont montré que la supplémentation en vitamine C et E, qui ont des propriétés anti-oxydantes, nuit aux adaptations à l’entraînement. De plus, la consommation d’anti-inflammatoire non stéroïdiens comme l’ibuprofène (Advil) nuit aussi aux adaptations musculaires. Leur consommation devrait de toute façon être évitée lors d’épreuves d’ultra-endurances puisqu’elle peut mener à des problèmes rénaux. Aussi, contrairement à ce que plusieurs pourraient croire, ce n’est pas en éliminant le lactate entre les séances d’entraînement qu’une méthode de récupération fera effet. En fait, la concentration de lactate retourne à ses valeurs de repos 90 minutes après un exercice intense. Il ne faut donc pas confondre la récupération entre les répétitions durant une séance d’intervalles et la récupération entre les séances ou sur plusieurs jours.

Je suis intolérant au gluten… Je mange plus du riz que du pain.

Je suis intolérant au gluten… Je mange plus du riz que du pain.


Dans certaines circonstances comme lors d’une course par étape où il faut performer jour après jour, une récupération rapide est nécessaire et souhaitable même si celle-ci se fait au détriment des adaptations. Le reste du temps, il vaut probablement mieux s’entraîner intelligemment pour que l’inflammation produite ne soit pas excessive et que les mécanismes naturels du corps suffisent pour une récupération optimale. Bref, de bonnes nuits de sommeils et une bonne alimentation devrait suffire. Par ‘bonne’ alimentation, je veux surtout dire une alimentation suffisante. En situation de restriction calorique, la priorité de l’organisme n’est jamais de s’adapter à l’entraînement. Le déficit énergétique relatif dans le sport (RED-S) est un réel problème pour plusieurs athlètes d’endurance et le sujet mérite un article à lui seul. Il est important de savoir qu’un apport alimentaire insuffisant par rapport à son volume d’entraînement n’est pas nécessairement conscient. En d’autres mots, il est possible d’être en déficit énergétique sans volontairement restreindre son alimentation. Un des éléments essentiels dans le processus de récupération est justement de refaire ses réserves de glycogène. Ce processus est optimisé si on consomme des glucides dans l’heure suivant la fin de l’exercice. La prise d’un repas riche en glucides immédiatement après un entraînement est surtout importante lorsqu’une deuxième séance est réalisé dans la même journée. Le titre de ce billet met l’emphase sur l’importance de l’alimentation, mais s’oppose aussi à l’idée du « no pain, no gain » puisque l’entraînement en endurance devrait être polarisé, donc majoritairement constitué de séances plutôt faciles et indolores. Pour les séances plus longues et ce même si l’intensité est relativement basse, il vaut mieux consommer des glucides pendant l’effort pour éviter d’épuiser ses réserves. Même à l’intensité à laquelle on brûle un maximum de lipides (fat max), on brûle aussi des glucides en quantité suffisante pour épuiser ses réserves de glycogène. Bref, ne rien consommer sur une longue sortie dans le but de maximiser sa capacité à oxyder des lipides n’est pas nécessairement une stratégie efficace, mais encore une fois je m’éloigne du sujet. Il est intéressant de savoir que les athlètes plus entraînés auraient une meilleure capacité à refaire leur réserves de glycogène musculaire. En augmentant progressivement sa charge d’entraînement et son niveau de forme, on devrait aussi voir une amélioration de notre capacité à récupérer. Pour ce qui est de la récupération musculaire, des courbatures peuvent être présentes un ou deux jours après un exercice particulièrement intense. Celles-ci seront généralement plus importantes lorsque l’exercice comprend des descentes, donc plus de contraction musculaire excentrique, et lorsque la séance sort de l’ordinaire. En fait, certaines adaptations à une seule séance d’exercices excentriques pourrait durer jusqu’à 6 mois ! N’allez quand même pas courir un ultra-marathon en montagne après 6 mois sans faire de dénivelé négatif… Faire une bonne séance de descentes 2 à 3 semaines avant un ultra est probablement une meilleure idée. Somme toute, une augmentation progression de la charge d’entraînement et plus particulièrement du stress mécanique demeure la clé pour éviter les courbatures.

Petite assiette pour la photo… Je vous rassure, je mange plus que ça à chacun de mes 4 ou 5 repas quotidien.

Petite assiette pour la photo… Je vous rassure, je mange plus que ça à chacun de mes 4 ou 5 repas quotidien.


Considérant que l’inflammation est nécessaire et qu’un entraînement adéquat permet d’optimiser les adaptations, on peut se questionner sur la pertinence de plusieurs modalités de récupération. Toutefois, indépendamment de l’utilité de celles-ci, sont-elles vraiment efficaces? En ce qui concerne les massages, il ne semble pas y avoir d’effets sur la récupération ou sur la performance, même chose pour les étirements et le recours à l’électrostimulation. Quant à la cryothérapie, le refroidissement post-exercice pourrait carrément avoir des effets négatifs sur les adaptations à l’entraînement. Pour ce qui est des vêtements de compression, ceux-ci auraient un effet sur la récupération de la force musculaire, mais l’effet serait minime pour récupérer entre des efforts en endurance. Ces bas de compression sont, selon moi, essentiels quand on prend l’avion et fort utile pendant un ultra-marathon, mais ça c’est encore une fois un sujet pour un autre article. Finalement, le foam roller serait plutôt bénéfique pour l’échauffement qu’après une séance, mais ses effets sur la performance et la récupération seraient minimes et négligeables dans la plupart des situations. Bref, pour bien récupérer il faut surtout manger et dormir.

Bon spot pour récupérer.

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Finalement, il est possible de quantifier la récupération à l’aide de la variabilité de fréquence cardiaque (VFC) de repos. Une mesure de 5 minutes le matin à l’aide d’une ceinture de fréquence cardiaque et d’une application gratuite fait l’affaire. Les alternatives plus coûteuses comme la bague Oura donnerait des valeurs équivalentes en ce qui concerne l’analyse temporelle de la VFC, mais je préfère la mesure avec l’application Elite HRV pour avoir accès aux valeurs fréquentielles. C’est aussi quelques centaines de dollars moins cher! Pour terminer, considérons l’exemple, anecdotique mais très concret pour moi, de ma 4e place à l’Ultra Trail Harricana en 2019. Je m’étais alors rendu à La Malbaie en vélo depuis Sherbrooke en deux jours. C’est certainement la quantité ridicule de glucides que j’ai mangé sur le vélo et dans les 36 heures séparant mon arrivée au camping des Chutes Fraser et le départ de la course qui m’auront permis de récupérer de ces 350 km sur deux roues. Ça et la bonne sieste du vendredi après-midi. Le jogging de récupération du vendredi matin était probablement inutile, mais c’est toujours bon de s’assurer qu’on a pas oublié comment courir après une grosse ride de vélo. Bref, j’avais d’excellentes jambes pour la course sans avoir utilisé une quelconque modalité de récupération. Tout ça pour conclure qu’il n’y a pas de recette magique ou de méthode secrète. Au final, l’important pour optimiser sa récupération c’est de bien manger, de bien dormir et de planifier son entraînement intelligemment.

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