Mathématiques de Trail

Pour le tout premier billet de mon nouveau blog, je vous partage quelques chiffres et équations utiles et intéressantes sur la dépense énergétique lors d’un ultra-marathon.

D’abord, on dit souvent que la distance ou l’allure en trail ne veut rien dire en raison du dénivelé ou de la technicité du terrain. Il est toutefois possible de convertir facilement un parcours en kilomètres-équivalents à partir de sa distance et de son dénivelé. Il suffit d’ajouter 1 km à la distance totale pour chaque 100 mètres de dénivelé positif. Par exemple, le 125 km de l’Ultra Trail Harricana fait 122 km avec 4200 m D+ ce qui donne une distance équivalente de 164 km. Avec cette distance équivalente, il est possible d’estimer la dépense énergétique nécessaire pour compléter le parcours. Il est intéressant de savoir que la quantité d’énergie dépensée pour parcourir un kilomètre à la marche et à la course sont à peu près les mêmes, soit 1 kcal par kilogramme de poids corporel par kilomètre. Un athlète de 67 kg va donc dépenser environ 11 000 kcal pour terminer le 125 km de l’UTHC. Si cet athlète met 14h30 heures pour compléter la course, il dépensera donc 759 kcal par heure. Un athlète du même gabarit complétant l’épreuve en 20 heures, dépensera plutôt 550 kcal par heure.

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On peut aller plus loin et s’intéresser à la provenance de ces calories. Avec une surcharge glucidique réussi, on peut s’attendre à avoir environ 500 g de glucose en réserve sous forme de glycogène, soit 2 000 kcal. Réparti sur 14h30 de course, ces réserves ne peuvent apporter que 138 kcal par heure. Il reste donc 621 kcal par heure d’énergie à fournir. Celle-ci proviendra des réserves de graisses corporelle ainsi que de la nourriture consommée durant la course. Si cet athlète consomme l’équivalent de 4 gels par heure, soit 90 grammes de glucides ou environ 400 kcal, il lui faudra puiser 221 kcal dans ces réserves de graisses. Il devrait donc, après 14 heures et 30 minutes sur les sentiers, avoir brûlé 3 205 kcal de lipides, soit 356 grammes. Ces chiffres sont basés sur mes valeurs pour l’édition 2019 de la course et concordent bien avec un des paliers de mon test trail*. Même les proportions de lipides et de glucides correspondent. Ça me permet donc d’estimer que l’intensité moyenne de mon effort durant la course équivaut à 55 % de ma consommation maximale d’oxygène (VO2max). Mon seuil anaérobie était alors à 79 % de mon maximum et l’intensité à laquelle je brûlais la plus grande quantité de lipides correspondait quant à elle à 50 % de mon max. Ces deux seuils peuvent être obtenus par un simple test de lactate, donc pas besoin d’un coûteux test de VO2max pour les connaître.

Est-ce que le fait de connaître ces valeurs avant la course, m’ont aidé à gérer mon allure? Oui et non… Je cours principalement selon mes sensations, mais j’aime bien garder un œil sur ma vitesse ascensionnelle dans les montées plus abruptes pour courir et marcher aux bons moments. En sachant que mon seuil anaérobie était autour de 1 450 m/h, je savais qu’il n’était pas raisonnable de dépasser ou même d’approcher cette valeur pour une course aussi longue. Par exemple, dans la montée des Morios, j’ai maintenu une moyenne de 1 140 m/h. Je regardais souvent ma montre dans cette montée parce que l’excitation de la course aurait pu m’amener à faire des bêtises… En descente, pas question de regarder la montre, je préfère me laisser aller. J’ai d’ailleurs pris beaucoup de temps à mes poursuivants dans la descente suivante! L’allure normalisée (ou équivalente-plat) est aussi une valeur que j’aime avoir sur ma Garmin et qui m’aide à gérer mon allure.

Le but de ce texte est surtout de vous faire réaliser à quel point, l’apport alimentaire pendant la course est important. Le coureur qui complétera la course en 20 heures devra lui aussi bien s’alimenter durant l’effort pour arriver au bout. Contrairement à ce que plusieurs peuvent croire, consommer plus n’entraîne pas plus de problèmes digestifs. En fait, 60 grammes de glucides par heure est un bon minimum pour assurer un apport sanguin constant vers le système digestif et éviter les problèmes. Même sans s’entraîner pour ça, il serait possible de consommer environ 80 grammes de glucides par heure ce qui permet de maintenir une intensité plus élevée. La fréquence est aussi très importante et il faut absolument commencer à s’alimenter tôt dans la course et maintenir un apport fréquent. Il est aussi possible de modifier son alimentation quotidienne pour améliorer sa capacité à brûler des graisses (un thème que je garde pour une autre semaine), mais dans tous les cas, il faut trouver de l’énergie quelque part pour avancer!


*Un test sur tapis roulant avec une pente de 18 % et une vitesse qui augmente toutes les 3 minutes. Le test permet de déterminer les seuils aérobique et anaérobique en mesurant le lactate ou la consommation d’oxygène.

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Les bâtons.